SOVIÉTIQUE (THÉÂTRE)

SOVIÉTIQUE (THÉÂTRE)
SOVIÉTIQUE (THÉÂTRE)

L’U.R.S.S. comptait cinq cent soixante théâtres (dont quarante opéras et cent cinquante théâtres pour enfants) où se rendaient tous les ans plus de cent millions de spectateurs. À Moscou seulement, on comptait une trentaine de compagnies, alors que Leningrad, l’ancienne capitale, n’en réunissait qu’une quinzaine. Certaines expériences théâtrales de certaines républiques – Géorgie, pays baltes, en particulier – étaient souvent aussi intéressantes que les grandes mises en scène de Moscou ou de Leningrad, mais la production en U.R.S.S., quantitativement importante, recelait de graves conflits sur le plan qualitatif.

C’est avec l’arrivée au pouvoir de Khrouchtchev que le «dégel» a commencé à atteindre le théâtre, comme les autres activités intellectuelles et artistiques soviétiques. Jusqu’à cette époque, prévalaient en effet les critères manichéens imposés par Jdanov, l’organisateur de la résistance de Leningrad contre les nazis, mais aussi le maître absolu du monde intellectuel. Il convenait pour lui de présenter exclusivement des héros «positifs» qui illustrent à propos de la société soviétique la dialectique, non pas du bien et du mal, mais seulement «du bon et du meilleur». Son influence particulièrement nocive n’a pas disparu avec sa mort. Bien que décédé en 1948, l’homme a compté pendant longtemps bien des nostalgiques, voire des disciples qui, vers la fin du régime communiste, avaient plutôt tendance à relever la tête. Ceux-ci n’étaient cependant pas parvenus à chasser de toutes les scènes les «enfants de Khrouchtchev» qui, comme Efrimov, Tovstonogov, Efros ou Lioubimov, dont les noms dominaient le théâtre soviétique, s’y étant hissés au début des années 1960 et qui s’y cramponnaient fermement ensuite, parfois au prix d’exercices d’équilibre difficilement compréhensibles pour l’Occident non initié. Il leur fallait en effet opérer constamment dans leur répertoire un savant dosage entre auteurs officiels et auteurs «sulfureux», sacrifier, bien sûr, à toutes les commémorations «patriotiques» ou «socialistes», et ne pas oublier pour autant les pièces célébrant «la production».

Un éditorial des Izvestia indiquait, en 1974, que ce qui doit intéresser au théâtre, c’est encore et toujours «l’homme créateur, l’individu qui agit». Pour «ennoblir l’homme», les auteurs ne doivent pas hésiter à nous «transporter en Sibérie, dans les exploitations pétrolières, dans les lieux où se constituent de grands complexes industriels, où l’on pose des voies ferrées, dans une grande usine de Moscou, dans une école où des jeunes viennent de terminer leurs études, éblouis au seuil de la vie par le miracle de l’amour qu’ils viennent de découvrir».

Quant à la mission des metteurs en scène et des acteurs, elle était ainsi définie: «Les artistes soviétiques considèrent à juste titre qu’ils sont vraiment des travailleurs du front idéologique. Leur art, profondément imprégné par l’esprit de parti, chante l’exploit du peuple et de son travail, réagit avec intransigeance aux menées de l’idéologie bourgeoise et à la morale bourgeoise, favorise la formation de la morale communiste de l’activité civique.»

Ces consignes s’écartaient nettement des théories formulées dans les années qui ont suivi la révolution par des grands hommes de théâtre comme Vakhtangov, Tairov, fondateur du Théâtre de chambre – fermé en 1948 – ou bien Meyerhold, qui fut sans doute avec Stanislavski le plus marquant des hommes de théâtre russes et soviétiques, mais dont il ne convenait pas de se recommander, bien qu’il ait été réhabilité!...

Efrimov et le théâtre Sovremmenik

Le nom d’Oleg Efrimov restera lié à celui du théâtre Sovremmenik («contemporain»). C’est en 1956 – l’année du rapport secret de Khrouchtchev – que le Sovremmenik a été créé par de jeunes diplômés de l’école du Théâtre d’art, groupés autour d’Efrimov. Le but de la nouvelle compagnie était de présenter surtout un répertoire contemporain et d’encourager les jeunes auteurs soviétiques. Le théâtre devint bientôt très populaire grâce à un ton, à un style de mise en scène et à un répertoire exceptionnels, avec des pièces de Victor Rozov, de Vassili Axionov (Toujours à vendre , 1965), de Mikhail Rochine, et aussi grâce à des pièces étrangères comme Les Jeunes Gens en colère de John Osborne, Deux sur la balançoire de William Gibson ou La Ballade du café triste d’Albee.

Le dernier grand travail d’Efrimov au Sovremmenik fut une trilogie traitant des trois grands mouvements révolutionnaires russes: Les Décembristes , Les Populistes et Les Bolcheviks . Posant la question de l’opportunité du parti unique, cette dernière pièce attira tout particulièrement l’attention; l’action se situe en 1918, peu après que Lénine eut été blessé dans un attentat attribué aux socialistes-révolutionnaires, au moment où est débattue la question de savoir s’il convenait de se débarrasser des S.R. et d’en arriver au parti unique. On y arrivera.

Depuis le début des années 1970, le Sovremmenik a perdu le côté «avant-garde» qui assurait son succès auprès des Moscovites, et s’est assagi. Il a cependant, sous la direction artistique d’Oleg Tabakov, puis de Galina Voltchek, présenté des spectacles tout à fait remarquables, et accueilli aussi certaines pièces comme Balalaikine & Cie , sous la direction de Tovstonogov; tiré d’un roman satirique, Idylle contemporaine , écrit à la fin du XIXe siècle par Saltykov-Chtchédrine, cette pièce montre comment deux libéraux de Saint-Pétersbourg vont entrer, avec une certaine répulsion au début, dans une vie parfaitement végétative, et comment, puisque «penser est dangereux», ils vont faire le vide dans leur cerveau. Cependant, malgré ce «vidage de crâne», ils ont toujours peur et décident que pour être «blanchis», le mieux est encore de collaborer avec la police et de rompre avec les intellectuels. «Les analphabètes ne lisent pas, et est-ce qu’ils ne nous valent pas?» demande l’un des deux héros.

Une autre grande réussite du Sovremmenik fut la création des Anecdotes provinciales d’un auteur contemporain mort avant quarante ans, noyé dans le lac Baikal, Alexandre Vampilov. Il s’agissait de pièces sur la vie contemporaine mettant à nu la peur quotidienne que, seule, la vodka peut exorciser pour un temps. (La création, en français, des Anecdotes provinciales a eu lieu au festival d’Avignon 1979 dans la mise en scène de Gabriel Garran.)

Tovstonogov et le B.D.T.

C’est en 1956 également que le Géorgien Guéorgui Tovstonogov s’est vu confier le théâtre Gorki de Leningrad, appelé plus familièrement le B.D.T. (Bolchoi Leningradski Dramatitcheski Teatr). Tovstonogov, qui avait travaillé de 1949 à 1956 au théâtre des Komsomols, transforma très vite le théâtre Gorki en une des scènes les plus intéressantes d’U.R.S.S. C’est lui qui fit accepter Brecht, avec une mise en scène d’Arturo Ui par le Polonais Erwin Axer. Parmi les autres productions remarquables du B.D.T., il convient de citer Le Prix d’Arthur Miller (1965), Les Trois Sœurs de Tchekhov (1956), L’Idiot (1957) avec Smoktounovski dans le rôle du prince Muichkine, Le Malheur d’avoir trop d’esprit de Griboiedov (1962), ou encore Le Revizor de Gogol (1972) très influencé par Meyerhold.

Un des grands succès du B.D.T. a été présenté en 1979 au festival d’Avignon, créé en 1977: Kholstomer ou l’Histoire d’un cheval , d’après Léon Tolstoï, fut un spectacle saisissant où les comédiens jouaient des chevaux, avec Evgueni Lebedev dans le rôle principal.

Les «jeunes» metteurs en scène d’avant-garde ont suivi des voies assez différentes, au gré de leurs personnalités, et l’Occident a souvent mis longtemps à les reconnaître.

La difficile carrière d’Efros

La carrière d’Anatoli Efros – pendant longtemps inconnu hors d’Union soviétique – a subi des hauts et des bas, et la qualité artistique de ses spectacles n’en était nullement responsable. Né en 1926, venu du théâtre central des Enfants, où il s’était fait remarquer, Efros a dirigé de 1963 à 1968 le théâtre des Komsomols léninistes de Moscou, qui depuis très longtemps déjà a perdu son caractère de théâtre écrit par et pour les Jeunesses communistes. Pendant les années de la déstalinisation, Efros a créé là un style tout à fait nouveau, mais à partir de 1967, la libéralisation subissant un sérieux coup de frein, il a été sévèrement critiqué à plusieurs reprises par le Parti communiste. Ne glorifiait-il pas trop ouvertement le «petit homme» qui rêve de connaître le bonheur de son vivant?...

En réalité, tous les spectacles d’Efros étaient alors consacrés aux problèmes des rapports entre l’individu et le pouvoir et à la place de l’artiste créateur dans la société. Ses conclusions, bien que discrètement esquissées, étaient trop éloignées du conformisme ambiant et ses héros paraissaient trop «négatifs» et trop «pessimistes», tel celui de On tourne de Radzinski, qui fut très mal accueilli par la critique officielle. En quelques années, Efros avait réussi à introduire dans le répertoire des œuvres d’Arbouzov (Mon Pauvre Marat ), de Victor Rozov (Le Jour du mariage ), de Brecht (L’Opéra de quat’ sous ), et de Boulgakov (La Vie de Molière ).

Relevé en 1967 de ses fonctions de directeur artistique du théâtre des Komsomols, Efros fut «relogé» comme simple metteur en scène dans le petit théâtre de la Malaia Bronnaia (du nom de la rue qui l’abrite). Les débuts furent difficiles: en 1968, un de ses spectacles, Les Trois Sœurs , fut retiré de l’affiche à cause de sa mise en scène, jugée en haut lieu «hérétique». Les censeurs ne lui pardonnèrent en effet pas d’avoir bousculé la tradition stanislavskienne et, surtout, d’avoir donné à la pièce de Tchekhov une dimension de farce tragique avec des résonances contemporaines, en ridiculisant le personnage de Verchinine dont l’optimisme béat rappelait trop la propagande officielle la plus simpliste.

En dépit de ces difficultés, Efros s’affirme dans les années 1970 comme l’un des plus importants metteurs en scène soviétiques: son Dom Juan de Molière lui vaut le premier prix au festival de Belgrade; Le Mariage de Gogol obtient en 1978 un grand succès au festival d’Édimbourg avant d’être monté, toujours par Efros, la même année, à Minneapolis avec des acteurs américains. Même la Pravda avait salué «une nouvelle manière de dire un texte connu [...]. Imaginez-vous, poursuivait le quotidien du parti, que vous avez affaire non à de simples personnages, mais à des hommes vivants. Avec leurs aspirations, leurs conflits et leurs passions. Qu’importe qu’ils soient médiocres, futiles, ridicules, ils sont vrais.»

En 1976, invité au théâtre de la Taganka, Efros donnait, avec Alla Demidova et Vladimir Vissotski, dans des décors de Levantal, une étonnante Cerisaie , présentant une fois encore l’image d’un monde qui finit et ne peut déboucher que sur le désespoir. Une autre mise en scène d’Efros, Un mois à la campagne de Tourgueniev (1977), témoignait de la maîtrise de ce remarquable directeur d’acteurs, qui a d’ailleurs consacré un livre (Répétitions mon amour ) à son travail préféré.

En 1979, Efros a monté un spectacle d’après Les Âmes mortes , rebaptisé La Roue . Car Gogol était décidément l’auteur le plus joué, dans les années 1970-1980, en Union soviétique: serait-ce parce qu’il était aussi le plus virulent? On le retrouvait non seulement au théâtre dramatique, mais aussi au Bolchoï avec Les Âmes mortes , dont Rodion Chtchedrine a tiré un opéra fortement ancré à la terre russe, et à l’Opéra de chambre avec Le Nez , qui faisait redécouvrir, avec près de cinquante ans de retard, le génie et l’invention d’un Chostakovitch de 1928...

On allait le retrouver à une toute autre place et à de toutes différentes fonctions cinq ans plus tard. Mais ceci est une autre histoire qui ne s’explique pas sans parler d’un autre «enfant terrible» du théâtre soviétique, Iouri Lioubimov.

Lioubimov

Iouri Lioubimov, c’était sans doute le nom le plus célèbre du théâtre soviétique contemporain. Jusqu’au jour où, après presque vingt ans de bons et «déloyaux» services, émaillés d’innombrables incidents avec les censeurs, il décida de rester en Occident. Pourtant, aujourd’hui encore, son nom et celui de la Taganka semblent indissociables. Ce théâtre qui se réclamait de Meyerhold, de Stanislavski, de Vakhtangov et de Brecht, était devenu, à partir de 1964, le lieu le plus vivant et le plus couru de la capitale: celui par qui le scandale arrive, ou pourrait arriver. Iouri Lioubimov, son fondateur et son animateur, est né en 1917, avec la révolution. Ses Dix Jours qui ébranlèrent le monde , un cabaret politique d’après le livre de John Reed, dont la référence à Trotski a été complètement supprimée, avait enthousiasmé André Malraux en 1966.

À la tête d’une troupe très homogène, Lioubimov ne faisait pas, à proprement parler, du théâtre d’avant-garde, ce qui d’ailleurs ne signifiait pas grand-chose à Moscou. Il choisissait d’aller à contre-courant, de jeter des pavés dans la mare, en poursuivant avec le public un véritable dialogue sur des sujets qui lui tenaient à cœur. La Taganka était «le théâtre de l’intelligentsia et des étudiants», une sorte de laboratoire où les autorités acceptaient parfois des expériences nouvelles – comme le sulfureux Maître et Marguerite , mais aussi une «vitrine» qu’on n’oubliait pas de faire admirer à l’hôte étranger de passage pour tenter de le persuader de l’existence d’un certain libéralisme.

Lioubimov connaissait néanmoins parfaitement les limites qui lui ont été imposées: alors qu’il a pu présenter des auteurs contemporains (L’Échange de Trifonov, Les Chevaux de bois , d’Abramov, un montage sur les poèmes de Voznessenski, etc.), il n’a jamais réussi à faire jouer une pièce qu’il avait montée en 1967 sur les excès de la réforme agraire, Dans la vie de Fédor Kouzkine de Mojaev, qui restait interdite par la censure. De même, au printemps de 1978, alors qu’il préparait pour l’Opéra de Paris une mise en scène de La Dame de pique , il lui fut reproché de vouloir «outrager un classique russe» en apportant des modifications à la partition de Tchaïkovski. Et le spectacle de Paris fut finalement annulé. Nouvelle infortune de Iouri Lioubimov qui a monté, avec un grand retentissement, Boris Godounov à la Scala de Milan en décembre 1979 et qui s’est vu refuser l’autorisation de venir en France pour monter ce même opéra à l’Opéra de Paris en 1980...

La mort, à quarante-deux ans, de Vladimir Vyssotski, comédien vedette de la Taganka et auteur de chansons extrêmement populaire, à la fin de juillet 1980, alors qu’allaient commencer les jeux Olympiques de Moscou, a été durement ressentie par la troupe. L’année suivante, un spectacle conçu à la mémoire de Vladimir Vissotski sera interdit par la censure. L’inauguration d’une nouvelle salle, plus vaste, qui était en construction depuis des années derrière le vieux bâtiment de la Taganka ne changera rien à la dégradation des relations entre Lioubimov et le pouvoir.

Venu à Londres en août 1983 pour y mettre en scène Crime et châtiment , Iouri Lioubimov, dont les trois derniers spectacles préparés à la Taganka se sont heurtés à un veto officiel, décide de se placer sous la protection du gouvernement britannique. Démis de ses fonctions de directeur du théâtre qu’il avait fondé, il sera déchu de la nationalité soviétique en juillet 1984, alors qu’il venait d’accepter la direction artistique d’un théâtre de la banlieue parisienne à Bobigny et du théâtre de l’Arena de Bologne en Italie.

C’est Anatoli Efros qui sera nommé, en mars 1984, directeur de la Taganka en remplacement de Lioubimov, et qui le restera jusqu’à sa mort en 1987, à la grande surprise des Moscovites qui n’ont pas compris pourquoi un metteur en scène estimable avait ainsi accepté de se compromettre. Des écrivains et artistes émigrés – parmi lesquels Vassili Axionov, Joseph Brodsky, Galina Vichnevskaia, Mstislav Rostropovitch –, protestant contre la mesure qui a frappé Iouri Lioubimov, se sont étonnés de la position prise par Efros.

Le Théâtre d’art et le Maly

Le contraste est saisissant entre un théâtre comme la Taganka et le fameux Théâtre d’art (MXAT), fondé au début du XXe siècle par Stanislavski et Nemirovitch-Dantchenko. Devenu une sorte de musée, le Théâtre d’art avait bien de la peine à se renouveler et continuait surtout à vivre sur les lauriers des œuvres de Tchekhov, vaguement rafraîchies de temps à autre. Ses mises en scène ont cependant le mérite de nous conserver la «tradition» de Stanislavski, fût-ce de façon figée. On y joue ainsi presque chaque dimanche, en matinée, L’Oiseau bleu de Maeterlinck. Dans la mise en scène de 1909!

La nouvelle salle du Théâtre d’art, inaugurée en 1973, et la direction artistique d’Oleg Efrimov n’ont pas réussi à vivifier cette institution vénérable. L’ex-«enfant terrible» Efrimov a même obtenu un prix d’État en sacrifiant au thème sacro-saint de la production avec Les Fondeurs d’acier de Bokarev. La critique officielle a ainsi pu se féliciter de voir «le rideau orné de la célèbre mouette se lever sur un paysage de fours Martin incandescents». On retiendra néanmoins une nouvelle présentation d’Ivanov , de Tchekhov, remarquée surtout pour la composition de Smoktounovski, qui était un des meilleurs acteurs soviétiques.

Le Maly (le «petit théâtre», pour le distinguer du bâtiment voisin, le Bolchoï, le «grand théâtre»), autre scène célèbre de Moscou, a été fondé en 1824. Considéré comme le foyer de la culture nationale, le Maly est consacré à des auteurs comme Gogol, Griboïedov, Pouchkine ou Alexandre Ostrovski, et est dirigé dans une perspective classique par un ancien élève de Meyerhold, B. Ravenskikh, dont le cahier des charges prévoit qu’il doit «cultiver et développer les richissimes traditions réalistes léguées par les fondateurs du théâtre».

Le théâtre de la Satire

Dans un genre très différent, il faut mentionner le théâtre de la Satire, créé en 1925 sur l’emplacement d’un célèbre cabaret, «La Chauve-souris ». Cette salle de Boulevard, spécialisée dans les revues musicales et les comédies, est désormais liée au nom de Maïakovski car c’est là que furent joués, pour la première fois depuis leur création chez Meyerhold, Les Bains en 1953, et La Punaise en 1955, satires maintenant classiques de la bureaucratie soviétique naissante, mais qui cinquante ans après laissent toujours fort mal à l’aise bon nombre d’apparatchiki . Ces productions ont été montées par le directeur artistique du théâtre de la Satire, Valentin Ploutchek – un cousin de Peter Brook –, en association avec le réalisateur de films Serge Youtkevitch, tous deux anciens élèves de Meyerhold. On devait réaliser une nouvelle reprise des Bains pour le cinquantenaire de sa création qui coïncida, à quelques semaines près, avec le suicide de son auteur. C’est aussi au théâtre de la Satire que Ploutchek invita Antoine Vitez en 1977, pour y monter, en russe, le Tartuffe de Molière.

Des spectacles rock

On doit enfin signaler, dans la production théâtrale qui attirait les jeunes, deux créations tout à fait exceptionnelles puisqu’il s’agissait de «spectacles rock» qui faisaient d’ailleurs salle comble: Till l’Espiègle , une comédie musicale humaniste assez réussie au théâtre des Komsomols léninistes, et Rock and roll à l’aube , au théâtre Gogol. Ce dernier spectacle est une satire de la société américaine, écrite par deux anciens correspondants politiques de la Pravda aux États-Unis, Thomas Kolenitchenko et Vadim Nekrassov; le prétexte en est la répétition par des étudiants américains de Jésus-Christ superstar : ce qui permet d’entendre avec des paroles russes, une musique dont on ne pouvait alors se procurer les enregistrements qu’en ayant recours au marché noir ou en «piratant» la Voix de l’Amérique. Le succès fut considérable.

En 1981, Marc Zakharov, le metteur en scène vedette du théâtre des Komsomols léninistes, s’est taillé un beau succès avec un opéra rock, Junon et Avos, ou le Possible Espoir , sur le texte du poète André Voznessenski et la musique d’Alexis Ribnikov. L’histoire racontait comment, en 1806, un Russe, grand chambellan du tsar, gagna la Californie, qui était espagnole à cette époque, afin de réunir l’Amérique et la Russie. «Je suis prêt, avec l’aide de Dieu, à fonder la compagnie «Russie-Amérique» et à répandre la lumière de notre Patrie jusqu’à la Californie», dit-il. Le projet échouera... sur une composition musicale alliant la liturgie orthodoxe russe, le synthétiseur, le rayon laser!

Le spectacle fut invité par Pierre Cardin à la fin de 1983 à Paris.

Encyclopédie Universelle. 2012.

Игры ⚽ Поможем сделать НИР

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Theatre Sovremennik — Théâtre Sovremennik Le Théâtre Sovremennik de Moscou (Contemporain en russe), créé en 1956 par opposition à l’art stalinien, est l’une des troupes théâtrales les plus célèbres de Russie. Depuis 1974, il se trouve boulevard des Étangs clairs dans… …   Wikipédia en Français

  • THÉÂTRE OCCIDENTAL - La scène — Pour l’historien du théâtre, le XXe siècle se confond avec l’âge d’or de la mise en scène. Elle est née dans les vingt dernières années du siècle précédent. En créant le Théâtre Libre en mars 1887, André Antoine s’est promu premier metteur en… …   Encyclopédie Universelle

  • Theatre Bolchoi — Théâtre Bolchoï Théâtre Bolchoï Lieu Moscou Architecte(s) Joseph Beauvais Inauguration 18 janvier 1825 …   Wikipédia en Français

  • Théâtre Bolchoï — Le théâtre Bolchoï en 2011. Lieu Moscou Coordonnées …   Wikipédia en Français

  • Théâtre Bolshoï — Théâtre Bolchoï Théâtre Bolchoï Lieu Moscou Architecte(s) Joseph Beauvais Inauguration 18 janvier 1825 …   Wikipédia en Français

  • Théâtre Bol’šoj — Théâtre Bolchoï Théâtre Bolchoï Lieu Moscou Architecte(s) Joseph Beauvais Inauguration 18 janvier 1825 …   Wikipédia en Français

  • Theatre yiddish — Théâtre yiddish Théâtre Par catégories Personnali …   Wikipédia en Français

  • Théâtre Yiddish — Théâtre Par catégories Personnali …   Wikipédia en Français

  • Théâtre juif — Théâtre yiddish Théâtre Par catégories Personnali …   Wikipédia en Français

  • Theatre libre de Minsk — Théâtre libre de Minsk Le «Théâtre libre» de Minsk a été créé en mars 2005 par le journaliste et dramaturge biélorusse Nikolaï Khalézine et la productrice de théâtre Natalia Koliada, en marge de l’esthétique officielle imposée par le régime du… …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”